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Art en trompe-l'œil : quand l'holographie éclipse l'expérience humaine

L'art est fondamentalement humain, une connexion intime et profonde entre l'artiste et son public. Introduire la technologie des hologrammes dans la sphère artistique, notamment dans un événement aussi prestigieux que la Biennale d'art de Venise, pourrait être perçu comme une rupture dans cette relation sacrée.


Art en trompe-l'œil : quand l'holographie éclipse l'expérience humaine


Tout d'abord, la performance artistique, une expression enracinée dans le moment présent et la présence physique, perd sa puissance évocatrice lorsqu'elle est remplacée par des hologrammes. Un hologramme, bien qu'innovant et techniquement impressionnant, demeure une copie numérique, incapable de reproduire la vitalité et l'authenticité des interactions humaines. La véritable expérience artistique réside dans la communion entre l'artiste et le public, une synergie qui émane du partage d'une même espace et d'un même temps.


En plus, le recours aux smartphones pour visualiser ces performances détourne l'attention de l'essence de l'art, noyant l'expérience dans un écran de plus dans notre vie quotidienne hyper-connectée. Les petits écrans peuvent créer une barrière, encourager une approche passive et transformer l'art en un autre contenu à consommer plutôt qu'à expérimenter. Cette médiation numérique peut éroder l'immédiateté et la connexion émotionnelle qui font partie intégrante de l'art action.


La fascination pour le nouveau et le futuriste ne devrait pas l'emporter sur l'importance de maintenir l'art comme un medium de contestation sociale et de résistance culturelle. Un QR code et un hologramme ne peuvent pas rivaliser avec la puissance d'une performance vécue, où les spectateurs sont invités à participer activement, engendrant ainsi un dialogue puissant entre l'artiste et son audience.


En confondant le virtuel et le réel, nous risquons de perdre de vue le caractère éphémère et unique de l'art performatif. L'art n'est pas simplement un spectacle à regarder, mais une expérience à vivre. La performance est éphémère par essence ; elle existe dans un moment précis, et sa beauté est renforcée par sa fugacité. Les hologrammes, en revanche, suggèrent une permanence et une reproductibilité qui sont aux antipodes de cette valeur fondamentale de l'art action.


Si nous reconnaissons le rôle croissant de la technologie dans notre société, il ne faut pas permettre à l'innovation numérique de diluer la robustesse et l’intimité de l'expérience artistique. Nos capacités d'innover devraient être mises au service de l'amplification de l'expression humaine, pas de son remplacement.


Au-delà de l'argument culturel et de l'expérience humaine dénaturée par l'utilisation d'hologrammes dans l'art, il y a également des inquiétudes financières et éthiques significatives à prendre en compte, surtout lorsqu'on considère l'implication des très grands groupes de nouveau média, notamment situés en Asie.


Le mélange de l'art action et des technologies de réalité augmentée (RA) conduit à une commercialisation accrue de l'art, qui risque de devenir un outil pour les intérêts corporatifs plutôt qu'un moyen d'expression libre et autonome. Les géants technologiques, qui développent ces plateformes de RA, peuvent potentiellement exploiter le monde de l'art pour promouvoir leurs produits et services, en lissant ainsi le rôle traditionnel de l'art en tant que critique sociale indépendante et véhicule de transformation culturelle.


En finançant et en promouvant des expériences artistiques axées sur la réalité augmentée, ces entreprises ne cherchent pas seulement à s'ancrer dans la culture globale, mais également à normaliser l'utilisation de leur technologie en tant que medium incontournable de l'expérience quotidienne, y compris dans la consommation de l'art. Ce modèle d'affaires favorise une consommation passive d'images et d'expériences virtualisées, favorisant ainsi la marchandisation de l'art et érodant le rôle de l'artiste en tant que créateur indépendant.


De plus, à mesure que des intérêts commerciaux deviennent étroitement imbriqués avec l'expérience artistique, il y a un risque que la création et la distribution de l'art soient influencées par des considérations de profit plutôt que par l'importance artistique ou le propos. Cela conduit non seulement à une potentialisation de l'art en termes de valeur marchande, mais aussi à une uniformisation de l'expérience artistique à l'échelle mondiale, dictée par les algorithmes et les stratégies marketing des entreprises technologiques.


Par conséquent, pendant que les hologrammes et la réalité augmentée peuvent offrir de nouvelles façons d'engager le public, l'incorporation de ces technologies dans l'art action doit être examinée avec prudence. Mêler l'art avec des technologies de pointe doit être fait de manière à préserver l'intégrité de l'expression artistique, à défendre l'indépendance de l'artiste et à résister à la pression omniprésente du consumérisme et de la commercialisation. La véritable question est de savoir si ces objectifs peuvent être atteints dans un contexte où l'art est de plus en plus sous l'emprise de puissantes forces économiques et technologiques.


L'humain et l'ici et maintenant occupent une place centrale dans la conception traditionnelle de l'art, en particulier dans les performances où l'immédiateté de l'expérience est vitale. La réalité des hologrammes, quelle que soit leur prouesse technologique, ne peut contester la primauté des interactions authentiques dans l'expression artistique.


Tout d'abord, les hologrammes, en dépit de leur capacité à imiter les apparences humaines, demeurent des simulacres, des illusions privées de la profondeur sensorielle et émotionnelle qui émerge de la présence physique réelle. L'art véritable opère sur un niveau organique, favorisant une connexion empathique instinctive entre l'artiste et le spectateur. L'expérience artistique incarnée est irremplaçable ; elle engage tous les sens et renforce un sentiment d'appartenance partagée dans l'espace et le temps.


Ensuite, l'argument selon lequel la présentation d'êtres humains en action sous forme d'hologrammes est un pont vers l'avenir doit être confronté à une question fondamentale : Est-ce que la représentation numérique peut réellement capturer la dynamique complexe et l'énergie vibrante de performances réelles ? Dans l'art action, chaque mouvement, chaque respiration, et chaque interaction spontanée contribue à une expérience unique, intrinsèquement liée au moment présent. C'est ce caractère éphémère, cette non-reproductibilité qui confère à l'art performatif sa puissance et son caractère sacré.


En opposition à l'idée que l'holographie pourrait enrichir l'art en introduisant de nouvelles dimensions, il est primordial de reconnaître que la médiation technologique place une barrière entre l'œuvre et le public. La projection holographique, même avancée, ne peut transmettre la chaleur d'une poignée de main, l'intensité d'un regard, ou la complexité d'une performance évoluant en temps réel. Plutôt que d'être physiquement et émotionnellement présents dans le moment, les spectateurs risquent de devenir des observateurs distancés, consommant une performance à travers les lentilles d'une technologie qui filtre et aplani l'expérience.


Enfin, la vraie magie de l'art réside dans son pouvoir de révéler l'imperceptible, d'inspirer la réflexion et d'évoquer des réponses viscérales. Les hologrammes, quelle que soit leur sophistication, relèvent de la représentation et non de la révélation. Ils ne peuvent pas offrir l'interaction viscérale et la participation, qui sont cruciales dans l'art vivant. L'art exige une présence, non seulement à voir, mais aussi à ressentir. Cela ne peut se réaliser que lorsque l'artiste et le public partagent la même émotion.


La réalité de l'hologramme, malgré son attrait futuriste et son potentiel innovant, doit être reconsidérée face à la puissance transformante de l'humain dans l'art et la valeur impérissable de l'ici et maintenant. C'est dans l'immédiateté et l'intimité de l'expérience réelle que l'art trouve son expression la plus sincère et la plus impactante.




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